RENDEZ-VOUS AVEC LA VIE

Texte livre

Une douleur lancinante se fit au creux de ses reins, la sortant brusquement du sommeil. Elle se cambra tentant de la chasser, même si elle savait que c’était, de toute façon, sans espoir. Une tension se fit autour de son ventre, comme s’il cherchait à s’étendre à l’infini. Depuis, hier soir, elle avait mal, mais elle n’osait rien dire, elle savait qu’au fil des heures, ses souffrances se feraient plus intenses entre ses reins. Mais au final, sa douleur deviendrait une délivrance et un nouveau jour se ferait dans sa vie de femme.

Elle se redressa sur son lit jusqu’à s’y asseoir, jusqu’à ce que la douleur se fasse moins vive. Elle savait, qu’à partir de maintenant, elle ne pourrait pas se rendormir. Elle tapota son oreiller en silence et s’allongea sur le dos lentement. Elle fixa ses yeux au plafond et respira longuement et profondément, afin de se détendre, ou tout du moins d’y tenter.

Elle aimait ces instants où tout était silencieux dans la maison, où tout s’éveillait lentement autour d’elle. Elle aimait entendre la vie se créer dans chaque foyer qui l’entourait. Elle aimait la naissance d’un nouveau jour, et le soleil qui se levait paresseusement sur l’horizon, faisant rougir ses volets, éclairant chaleureusement la chambre à coucher. Cette lumière d’un nouveau jour qui lui laissait espérer que ce soir, enfin, elle le verrait et le serrerait dans ses bras. Lui qu’elle avait tant attendu.

Elle savait que, le moment venu, des larmes envahiraient ses joues. Mais lorsqu’elle le verrait, elle serait tellement heureuse que l’eau salée que ses yeux déverseraient, ne serait qu’un détail dans ce bonheur absolu que la vie lui offrait. Elle avait tant attendu, tant espéré ce jour où enfin, il viendrait à sa rencontre qu’elle finissait par s’impatienter de temps de temps.

Elle souffla de nouveau longuement, lorsqu’une douleur remonta entre ses reins, un sanglot jailli de ses lèvres. Elle tenta de camoufler en mettant sa main sur sa bouche. Elle voulait que tout, autour d’elle, reste silencieux, comme le jour qui se levait lentement à l’extérieur des volets clos. Elle voulait garder ce moment pour elle seule, ce dernier matin dont elle se souviendrait toute sa vie. Cet infime moment qui la mènerait vers un nouveau chemin, sur lequel elle serait désormais accompagnée.

Son mari, allongé à ses côtés, se mit à bouger dans son sommeil. Elle retient son souffle espérant ne pas l’avoir réveillé. Il passa, machinalement, son bras autour d’elle. Elle savait qu’il s’inquiétait depuis quelques jours. Il lui avait dit déjà qu’il la trouvait plus fatiguée qu’à l’accoutumé. Elle, elle tentait de ne pas le paraître, dormait souvent après déjeuner, afin de récupérer de ses insomnies matinales. Elle ne voulait pas qu’il s’inquiète pour elle inutilement. Car, finalement, ce qui comptait le plus à ses yeux, c’était son rendez-vous, qui de jour en jour, se rapprochait.

Le matin, son mari avait peur de la laisser seule, et il espérait seulement ne pas manquer le rendez-vous, qu’elle fixerait à sa guise. Il espérait qu’il pourrait rapidement la rejoindre, afin de lui tenir la main et de rester à ses côtés tout le temps qu’elle aurait besoin de lui. Avant de partir, il trouvait une excuse pour retarder son départ de quelques minutes. Puis, il partait en courant, avant de monter rapidement dans sa voiture.

Mais elle, tout comme lui, savait que ce n’était pas eux qui pourraient fixer ni la date ni l’heure exacte de ce rendez-vous. Mais après tout, elle était heureuse et elle lui prit la main en pensant à la première fois où elle avait entrelacé ses doigts aux siens. Cela commençait à dater maintenant. Mais chaque jour à ses côtés avait été pour elle, des jours merveilleux, même si parfois, ils avaient été durs. Mais à ses côtés, la vie lui avait toujours semblait plus douce. Cela faisait cinq ans, maintenant qu’ils s’étaient croisés et enfin aimés.

Elle souffla lentement chassant la nouvelle douleur qui s’éveillait en elle. Elle se tourna son visage pour regarder l’heure. Il était à peine 5 heures du matin. Le rendez-vous serait pour aujourd’hui, fit-elle en chassant une goutte de sueur sur son front. Légèrement, elle se releva sur le matelas, enlaçant son ventre de sa main, le caressant, en prononçant des mots d’amour que seul un être invisible aurait pu entendre.

Lentement, elle s’approcha de son mari et, d’une voix tendre, elle lui dit qu’il était l’heure de partir. Elle lui caressa le visage, déposa, sur ses lèvres, un baiser. Elle s’assit sur le lit, souffla profondément et se leva lentement. Elle se dirigea vers la salle de bain où elle avait déjà préparé des vêtements propres, au cas où elle aurait besoin de partir rapidement de la maison. Elle voulait, elle ne savait pas pourquoi, partir de la maison, en étant présentable. Sa valise, quant à elle, était déjà dans le coffre de la voiture, depuis plusieurs jours. Elle avait déjà tout prévu, mais ne manquait pas d’y jeter un coup d’œil régulièrement.

Quand, elle se rendait dans le garage, à la nuit tombée, pour vérifier son contenu, elle défaisait alors la valise à même le coffre. Là, elle comptait les affaires, tout en les pointant sur une liste qu’elle avait établie. Après quelques minutes, la porte du garage s’ouvrit et son mari la prit dans ses bras. Il la rassurait de sa voix douce en lui répétant que tout allait bien se passer. Il lui disait qu’il l’aimait et qu’il était l’homme le plus heureux de la terre. Alors il refermait la valise et le coffre et en réajustant le cardigan de sa femme, pour pas qu’elle n’attrape pas froid. Puis, il éteignait la lumière et la menait, par la main, jusque dans la chambre, où l’un contre l’autre, ils s’endormaient enfin.

C’est ainsi que sa soirée avait commencé, pensait-elle en arrivant sur les lieux du rendez-vous. Et très vite, on l’avait prise en charge, elle n’avait plus rien à faire puisqu’elle approchait de l’heure fatidique. Son mari restait auprès d’elle et comme à son habitude, il lui parlait d’une voix douce et posée.

Autour d’elle, on virevoltait dans tous les sens, tant bien que mal, dans une pièce trop petite pour autant de gens. Elle les regardait sans rien dire, leurs mouvements devenaient soporifiques et elle rêvait d’une bonne nuit de sommeil enfin où elle ne serait plus dans cette interminable attente.

Pour elle, on avait des gestes précis. Les gens savaient ce qu’ils faisaient et comment ils devaient agir vis-à-vis d’elle. Ils allaient même jusqu’à anticiper ses moindres besoins. On lui parlait doucement, on l’encourageait, on la rassurait. Tout se passerait bien.

Pourtant, son rendez-vous semblait se faire attendre et elle commençait à s’impatienter. Heureusement, son mari était resté à ses côtés. Il avait fini par s’endormir sur la chaise, installée à côté d’elle. De temps en temps, il se réveillait, se levait et lui prenait la main. Il l’embrassait et lui souriait.

Pour l’heure, elle se sentait dépassée par les événements. Elle ne savait que faire. Son mari non plus, ne trouvait plus les mots, alors que les minutes s’égrainaient lentement. Elle voyait qu’il était nerveux, et lorsque leurs regards se croisaient, ils se souriaient sans rien dire. Lui, également, la voyait attendre et de minutes en minutes avoir toujours plus mal, se cabrer davantage, souffler plus profondément. Elle ne disait rien sur sa souffrance, sur son attente et se contentait de le regarder, tentant de sauver les apparences, avec un visage qui se noyait derrière sa sueur.

Il essuya une perle de sueur qui s’était formée sur le front, de sa femme, et se leva de sa chaise. Il devait avaler un café afin de pouvoir rester éveillé et patienter avec elle. Il s’en voulait de s’endormir sur sa chaise alors qu’elle avait besoin de lui. Elle le regarda sortir le suivant des yeux et en soufflant longuement. Elle savait qu’il ne tarderait pas et dans ses yeux, elle voyait qu’il était aussi impatient qu’elle, et elle reprit courage.

Elle respirait par petites bouffées, comme on le lui indiquait. La douleur s’était faite plus intense, plus vive, prête à la déchirer au plus profond de sa chaire. Les mouvements s’étaient intensifiés en elle, tournant glissant. Son mari debout à ses côtés tentait de sourire pour lui donner du courage et lui montrer que tout allait bien, l’aidant dans son épreuve par sa simple présence.

On la souleva par les bras, et la femme qui était en face d’elle lui dit quelque chose qu’elle n’entendit pas. Elle était déjà ailleurs et sentait enfin son rendez-vous arriver. Elle ne cessait de penser à cette rencontre, enfin maintenant presque touchable du bout de ses doigts.

Le Jour et l’instant avaient été bien choisis, elle demanda l’heure, 9 heures à peine. Elle savait que le moment était enfin venu et elle ne voulait pas être en retard. Elle souffla en poussant une dernière fois, sous l’ordre des gens qui l’entouraient et elle entendit un cri de délivrance auquel elle mêla le sien. Elle voulait le voir enfin après avoir tant attendu. Elle voulait le tenir dans ses bras, le serrer contre son cœur, croiser son regard.

Enfin, elle put le présenter à son mari qui était resté à ses côtés, et l’embrassait avec un large sourire aux lèvres. Elle, elle l’avait côtoyée depuis 9 mois, elle le connaissait déjà un peu, pourtant sans jamais avoir vu son visage. Chaque jour qui s’était écoulé, elle les avait passés à ses côtés sans jamais le croiser, mais toujours en lui donnant tout son amour.

Enfin, on lui tendit un petit être qui gigotait maladroitement, tout en pleurant. Il était son petit ange, mais aussi le sien à lui. Il était si petit entre ses mains. Elle le voyait si fragile, mais elle en ferrait un homme fort. A cet instant, les souffrances qu’elle venait de vivre s’envolèrent de son esprit. Elle déposa un baisser sur son petit crâne où un duvet fin avait poussé, lui faisant des cheveux.

Lentement, on souleva son fils de son ventre. On devait le nettoyer, lui faire une toilette, afin de le rendre présentable pour les visites qu’il aurait tout au long de la journée. On devait également le peser et le mesurer afin d’inscrire ces informations dans le carnet de santé qui le suivrait pendant toute sa vie.

Pendant ce temps, elle embrassa son mari et pour la première fois elle réalisa qu’elle le voyait pleurer. Il réalisa que ses larmes avaient coulé et s’essuya les yeux sans rien dire, comme si bêtement, il essayait de se cacher. Elle prit le col de sa blouse l’attirant à elle, aux creux de son oreille, elle lui dit merci. Il dit très tendrement que c’est lui qui devait la remercier de lui avoir donné un aussi beau fils.

Enfin, on lui tendit de nouveau ce petit être, enveloppé dans un drap blanc. Le petit ange semblait s’être endormi. Elle regarda son mari, de nouveau, il s’était remis à pleurer. Lentement, des larmes se mirent à couler de ses propres yeux. Alors ensemble, ils rirent mêlant la joie de leurs larmes à la naissance de leur fils avec lequel ils avaient pris un rendez-vous avec la vie.

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